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Les mastocytes appartiennent à la famille des globules blancs, appelés aussi leucocytes. Ces cellules proviennent de progéniteurs hématopoïétiques qui sont principalement produits dans la moelle osseuse. Les mastocytes ont été découverts et décrits pour la première fois par Paul Ehrlich en 1876. Contrairement aux autres leucocytes, les mastocytes normaux ne se trouvent pas dans le sang périphérique, mais sont localisés dans les tissus de divers organes, tels que le poumon, la peau ou le tractus gastro-intestinal, où ces cellules résident pendant plusieurs mois, voire des années. Comme la plupart des globules blancs, les mastocytes appartiennent au système immunitaire qui aide à la défense contre les bactéries et autres agents infectieux. Dans le cadre de l’immunité innée, les mastocytes peuvent répondre très rapidement aux attaques d’agents infectieux en libérant localement de puissantes molécules de défense vasoactives. Ces médiateurs sont aussi libérés par les mastocytes lors de réactions allergiques. En fonction des pathologies sous-jacentes, du type d'allergies et d'autres facteurs, les symptômes qui en résultent peuvent être légers, modérés ou sévères et peuvent parfois entraîner le tableau clinique d'une anaphylaxie sévère.

L'un des médiateurs chimiques les plus importants des mastocytes est l'histamine, qui peut provoquer un gonflement des tissus (œdème), des démangeaisons, une rougeur de la peau, mais aussi des maux de tête, des nausées, des étourdissements ou de la diarrhée. L'histamine peut également augmenter d'autres problèmes gastro-intestinaux et est souvent impliquée dans les maladies ulcéreuses, comme l'ulcère gastrique. Enfin, l'histamine est un médiateur «neuroactif» et peut influencer la pression artérielle. Outre l'histamine, les mastocytes produisent également de nombreuses autres substances chimiques, des enzymes protéolytiques et des cytokines.

La mastocytose a été décrite pour la première fois par Nettleship et Tay comme une "forme rare d'urticaire" dans le British Medical Journal en 1869. Il a fallu attendre 1949 pour qu'Ellis découvre l’atteinte des organes internes dans la mastocytose dans un cas d'autopsie et donc de mastocytose systémique. Une dizaine d’années plus tôt, le terme mastocytose avait été créé. En 1957, une première description de la leucémie à mastocytes a été présentée. Au cours des dernières décennies, les connaissances des scientifiques sur les mastocytoses ont considérablement augmenté.

Une première classification de la maladie a été introduite par Karl Lennert au milieu des années 1970. En 1991, une première classification consensuelle a été proposée par Dean Metcalfe. Entre 1991 et 2000, un certain nombre d'anomalies cellulaires, moléculaires et biochimiques spécifiques de la mastocytose ont été découvertes. Dans ces études, il s'est avéré que les mastocytes qui s'accumulent chez les patients atteints de mastocytose sont toujours de nature monoclonale (=néoplasique). En 2000, la classification consensuelle a été affinée et mise à jour par un groupe de consensus États-Unis/Union Européenne (coordinateur: Peter Valent) en introduisant des critères spécifiques à la maladie. En 2001, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a adopté à la fois ces critères et cette classification en tant que classification officielle OMS de la mastocytose. Des études de ultérieures ont confirmé la validité de la classification de l'OMS et depuis, cette classification et les critères associés sont considérés comme le standard du diagnostic. La classification OMS de la mastocytose et ces critères ont été validés et affinés en 2008 et 2016. En 2012, le groupe de consensus a présenté une classification globale de toutes les pathologies des mastocytes. Cette classification comprend l'hyperplasie mastocytaire (une augmentation réactionnelle du nombre de mastocytes normaux), la mastocytose cutanée et systémique, la leucémie myélomastocytaire et les syndromes d'activation mastocytaire. Cette classification et la classification OMS de la mastocytose sont toujours des normes standards et globales aujourd'hui.

La mastocytose est une maladie caractérisée par une expansion et une accumulation anormales de mastocytes dans i) la peau, ii) dans les organes internes ou iii) à la fois dans la peau et les organes internes. Ainsi, la mastocytose est diagnostiquée sur la base d'une augmentation et d'une accumulation histologiquement confirmées d'un trop grand nombre de mastocytes dans ces organes. Les enfants et les adultes peuvent développer une mastocytose.

En général, la mastocytose peut être divisée en mastocytose cutanée (« cutaneous mastocytosis » ou CM) et mastocytose systémique (« systemic mastocytosis » ou SM). Chez les patients atteints de CM, l'accumulation de mastocytes se retrouve uniquement ou principalement dans la peau. Pour diagnostiquer la CM, une biopsie de la peau affectée est souvent réalisée. La forme cutanée pure de mastocytose est généralement diagnostiquée dans la (petite) enfance. En revanche, la plupart des patients adultes sont diagnostiqués comme ayant une mastocytose systémique (SM). Étant donné que la plupart des patients adultes atteints de SM ont des lésions cutanées typiques, ces patients sont souvent considérés comme souffrant de CM et souvent étiquetés avec un diagnostic incorrect d’urticaire pigmentaire (UP). La moelle osseuse étant presque toujours impliquée chez ces patients (mais pas chez ceux atteints de CM pure), le diagnostic de SM est généralement établi dans ces cas lorsqu'une biopsie de moelle osseuse est réalisée. De ce fait, il est important de recommander une biopsie de la moelle osseuse chez tous les patients adultes atteints de mastocytose. Chez les rares patients sans lésions cutanées, cela peut prendre plus de temps avant que les médecins considèrent la SM comme un diagnostic potentiel, et donc l’établissement du diagnostic final prendre plus de temps. Encore une fois, il est important que le médecin prescrive un examen de la moelle osseuse dans ces cas.

Les deux catégories de mastocytose (CM et SM) sont considérées comme des maladies néoplasiques des cellules souches et des progéniteurs de la lignée mastocytaire. Contrairement à l'hyperplasie réactive des mastocytes (augmentation du nombre de mastocytes dans l'inflammation, les infections, les réactions toxiques ou le cancer), les mastocytes en cas de CM ou de SM sont de nature monoclonale, ce qui signifie que toutes ces cellules sont initialement dérivées d’une cellule souche anormale (mutée). La nature monoclonale de la maladie conduit à une différenciation, une survie et une accumulation anormales de mastocytes dans un ou plusieurs systèmes organiques.

La nature monoclonale des mastocytes dans la mastocytose est documentée par la mise en évidence de la présence d'une mutation ponctuelle dans le proto-oncogène KIT. Chez la grande majorité des patients atteints de SM, les cellules néoplasiques présentent la mutation somatique KIT D816V (Asp-816-Val). Chez ces patients, la mutation est détectée dans la moelle osseuse et dans la peau lésionnelle (lésions d'urticaire pigmentaire). Chez de nombreux patients atteints de SM, la mutation KIT D816V peut également être détectée dans les leucocytes du sang circulant lorsqu'un test PCR très sensible est appliqué. Chez la plupart des enfants atteints de CM ou de SM, les mastocytes expriment également des mutations de KIT. Cependant, contrairement aux SM des adultes, un certain nombre de mutations différentes de KIT peuvent être détectées chez les enfants atteints de CM ou de SM. La mutation KIT D816V n'est d’ailleurs détectée que chez un petit groupe de ces patients. L'évolution clinique naturelle de la mastocytose est variable en fonction de l'âge, des organes impliqués, du sous-type de maladie, d'autres pathologies associées (comme les allergies ou d’autres hémopathies malignes associées) et de la réponse au traitement initial. La majorité des patients atteints de CM et de SM indolente (ISM) ont une espérance de vie normale. Dans la mastocytose pédiatrique (CM dans la plupart des cas), la maladie disparaît souvent (mais pas toujours) peu de temps avant, pendant, ou peu après la puberté.

La mastocytose est une maladie non contagieuse des mastocytes et de leurs progéniteurs. Dans une grande majorité des cas, aucun autre membre de la famille n'est affecté ou ne développera une mastocytose au cours de sa vie. La mastocytose familiale est une maladie extrêmement rare dont la fréquence estimée est inférieure à 1:100 chez les patients atteints de mastocytose. De plus, un certain nombre de prédispositions génétiques et de situations peuvent être associés à un risque légèrement accru de développer une CM ou une SM. L'une de ces situations est l’hyper alpha-tryptasémie héréditaire (HAT = HaT). Cette situation est définie par un taux sérique basal de tryptase élevé et un nombre accru de copies du gène codant pour la tryptase alpha (TPSAB1). L’HAT est présente chez environ 5% de la population générale du monde occidental (UE/États-Unis) et chez environ 15 à 20% des patients atteints de SM.

L'OMS définit les variants suivants de la mastocytose (mise à jour 2016):

- Mastocytose cutanée (« cutaneous mastocytosis » CM)

- Mastocytose systémique indolente (« Indolent systemic mastocytosis » : ISM)

- Mastocytose localisée à moelle osseuse (« bone marrow mastocytosis » : BMM)

- Mastocytose systémique lentement progressive (« smoldering systemic mastocytosis » : SSM)

- SM avec autre hémopathie maligne associé (« SM with an associated hematologic neoplasm” : SM-AHN)

- Mastocytose systémique agressive (« aggressive SM » : ASM)

- Leucémie à mastocytes (« mast cell leukemia » : MCL)

- Sarcome à mastocytes (« mast cell sarcoma » : MCS)

La mastocytose cutanée se développe généralement dans la petite enfance, alors qu'à l'âge adulte, presque tous les patients sont diagnostiqués avec une forme systémique de mastocytose (SM). La plupart des patients adultes ont une SM indolente (ISM) et dans la majorité des cas, une atteinte cutanée est constatée. Tous les autres variants de SM (tels que SSM, SM-AHN, ASM ou MCL) sont plus rarement diagnostiqués. Les patients atteints d'ISM, de mastocytose localisée à moelle osseuse (BMM), un sous-type rare d'ISM, et de CM à l'âge adulte (comme les CM dans l'enfance) ont un excellent pronostic en termes de survie. Cependant, contrairement à la CM infantile, la CM chez l'adulte est une maladie persistante, sans régression spontanée. La CM chez l'adulte est une affection rare, alors que la CM chez l'enfant est la forme la plus fréquente de mastocytose. La plupart des patients pédiatriques atteints de CM ont une évolution clinique bénigne et souvent limitée. La maladie régresse souvent spontanément avant, pendant ou peu de temps après la puberté. Les enfants ne développent généralement pas de variant agressif de la maladie lors du suivi.

Il existe également des aspects uniques et des présentations cliniques particulières des lésions cutanées qui peuvent se développer dans la mastocytose infantile. Par exemple, la formation de cloques sur les lésions cutanées n'est observée que dans la mastocytose pédiatrique, généralement au cours des 3 premières années de vie. Une infiltration diffuse de la peau est également observée presque exclusivement chez l'enfant et conduit alors au diagnostic de mastocytose cutanée diffuse (« diffuse cutaneous mastocytosis » : DCM). La DCM est une maladie rare et il en va de même pour les mastocytomes cutanés, qui sont des tumeurs solides bénignes à mastocytes. En général, le pronostic de la mastocytose infantile est excellent. Les variants suivants de CM ont été décrits par l'OMS:

- Mastocytose cutanée maculopapulaire (MPCM) = Urticaria Pigmentosa ou Urticaire Pigmentaire (UP) :

  • MPCM avec aspect d’infiltration polymorphe (souvent asymétrique)
  • MPCM avec aspect d'infiltration monomorphe de petite taille (généralement symétrique)

- Mastocytose cutanée diffuse (DCM)

- Mastocytome cutané

Les évolutions suivantes ont été décrits dans la CM de l’enfance: i) régression spontanée (fréquemment observée), ii) persistance de la CM à l’âge adulte (rare), et iii) persistance à l’âge adulte avec «transition» vers la SM (rare). L'évolution vers une mastocytose de «haut grade» (ASM ou MCL) est extrêmement rare.

Au moment du diagnostic, l'évolution clinique de la CM infantile est imprévisible. Cependant, dans la plupart des cas de DCM et de mastocytomes cutanés, la maladie régresse spontanément. Chez les patients atteints de MPCM infantile, il existe également une nette tendance à observer des régressions. Cependant, une régression définitive n'est observée que chez une part (estimé de 60 à 80%) de ces patients. Il est donc difficile de prédire l'évolution de ces patients, cependant des données récentes suggèrent que l'aspect morphologique des lésions cutanées a une valeur pronostique : en particulier, les lésions cutanées disparaissent chez presque tous les patients présentant des aspects d'infiltration cutanée polymorphes (souvent asymétriques), alors que dans la plupart des cas de lésions cutanées monomorphes (souvent présentent une distribution symétrique comme chez l'adulte), les lésions cutanées peuvent persister à l'âge adulte. L'évolution clinique de la MPCM pédiatrique est indépendante d'autres facteurs, tels que l'âge, le sexe, les mutations de KIT et le taux basal de tryptase sérique. Même la démonstration de la présence de la mutation KIT D816V dans la peau lésionnelle ne permet pas prédire l'évolution clinique car des régressions complètes sont également observées dans de tels cas.

L'évolution clinique naturelle de la SM est également variable. La plupart des patients sont des adultes au moment du diagnostic et ont une forme indolente (ISM) avec un bon pronostic et une espérance de vie normale ou presque normale. Les formes avancées de SM sont plus rarement diagnostiquées. Ces variantes comprennent la SM agressive (ASM), la SM avec une hémopathie maligne (non-mastocytaire) associée (SM-AHN) et la leucémie à mastocytes (MCL). Chez ces patients, le pronostic est péjoratif, surtout ceux atteints de MCL, où les mastocytes peuvent souvent être trouvés dans le sang périphérique. La MCL a un pronostic défavorable avec une courte médiane de survie malgré un traitement intensif. Au cours des dernières années, cependant, l'avènement de nouveaux et meilleurs concepts de traitement (dont les inhibiteurs de la tyrosine kinase KIT et la transplantation de cellules souches hématopoïétiques = « hematopoietic stem cell transplantation » ou HSCT) a conduit à une amélioration considérable du pronostic et de la survie des patients atteints de SM avancée (ASM, SM-AHN et MCL). Chez la plupart des patients atteints de MCL et chez de nombreux patients atteints d'ASM, les lésions cutanées sont absentes. De plus, dans plusieurs de ces cas, le mutant KIT D816V n'est pas détectable.

Chez les patients atteints de SM-AHN, le composant SM et le composant AHN de la maladie doivent être classés. Dans ces cas, la partie SM de la maladie peut être une ASM ou ISM selon les présentations cliniques. L'AHN est souvent une hémopathie myéloïde, comme une leucémie aiguë myéloïde (LAM), un syndrome myélodysplasique (MDS), un syndrome myéloprolifératif (MPN) ou un syndrome myéloprolifératif/myélodysplasique (MDS/MPN). Le type le plus répandu d'AHN est la leucémie myélomonocytaire chronique (CMML). Chez les patients atteints de LAM, le pronostic est sombre bien qu'une rémission complète puisse être obtenue avec la polychimiothérapie et/ou la transplantation de cellules souches hématopoïétiques si de telles thérapies peuvent être proposées. Dans certains de ces cas, une survie à long terme a été obtenue. Les tumeurs mastocytaires extra-cutanées localisées (mastocytome extracutané, sarcome mastocytaire) sont très rares. L'évolution clinique naturelle et le pronostic des mastocytomes extracutanés sont bons. Cependant, en raison de sa rareté, cette forme de maladie à mastocytes a été éliminée dans la mise à jour 2016 de la classification de l'OMS. La plupart des très rares cas signalés sont localisés dans les poumons. La maladie est bénigne sans impact clinique connu. En revanche, le sarcome à mastocytes, une tumeur également extrêmement rare, se transforme souvent en MCL et a un pronostic très défavorable (similaire à celui de la MCL). Seuls quelques patients ont une rémission durable malgré l’utilisation de la radiothérapie et la chimiothérapie, et une survie à long terme n'a été rapportée que dans de très rares cas.

Un aspect important de l'hétérogénéité des mastocytoses correspond aux symptômes cliniques liés aux médiateurs mastocytaires libérés et nécessitant un traitement symptomatique (SY). Ce groupe de patients (variants de CM ou SM) est étiqueté avec l'appendice «SY» dans le diagnostic. Ces symptômes peuvent survenir au cours de n'importe quel variant de CM (CMSY) et SM (SMSY), et peuvent représenter un problème clinique majeur. Les symptômes cliniques induits par les médiateurs mastocytaires vont d'épisodes légers et tolérables à des épisodes d'hypotension et de choc anaphylactique graves et répétés menaçant le pronostic vital (voir ci-dessous). Cependant, il convient également de noter que chez de nombreux patients atteints de CM ou de SM, aucun symptôme lié aux médiateurs mastocytaires n'est noté, même lorsque ces patients sont suivis pendant une longue période. Néanmoins, même chez ces patients asymptomatiques, des thérapies prophylactiques de type anti-médiateur sont généralement recommandées. En effet, même après un long intervalle sans signes cliniques, des symptômes induits par ces médiateurs, majeurs et parfois mortels, peuvent survenir et sont évidemment plus marqués chez les patients non traités. De tels événements mettant la vie en danger peuvent donc être en partie évités ou au moins atténués par l'utilisation de médicaments prophylactiques ciblant les médiateurs.

Dans chaque cas, le médecin procédera d'abord à un examen physique minutieux, dont une inspection approfondie de la surface de la peau. Le diagnostic de mastocytose repose sur un examen histologique de l'organe atteint ainsi que sur des analyses de laboratoire complémentaires et d'autres investigations souvent réalisées avant une biopsie (tests pré-invasifs). Ces tests pré-invasifs peuvent aider le médecin à prédire la probabilité de SM, en particulier lorsqu'aucune lésion cutanée n'est détectable. Ces premiers examens pré-invasifs comprennent des paramètres de laboratoire de routine, comme la chimie sanguine, la numération globulaire et la mesure du taux basal de tryptase sérique. Un niveau basal de tryptase sérique augmenté est toujours une indication pour plus d'investigations et une évaluation complète, et dans de nombreux cas, une SM sera effectivement diagnostiquée. Cependant, une augmentation du taux basal de tryptase n'est pas spécifique de la SM, mais se retrouve également chez les patients atteints d'autres hémopathies myéloïdes et aussi chez les personnes portant un nombre supplémentaire de copies du gène de l’alpha-tryptase, également connu sous le nom d'hyper alpha-tryptasémie héréditaire (HAT = HaT). Cette variation génétique , qui est observée chez environ 5% de la population générale, est associée à une prévalence accrue (et à une prédisposition) à des réactions d'hypersensibilité sévères chez les patients souffrant d'une maladie allergique ou d'autres situations réactionnelles et est également fréquemment documentée chez les patients atteints de SM (15-20%). Le test de recherche d’une HAT est un test relativement simple (PCR), mais il n'est actuellement proposé que dans très peu de centres spécialisés dans le monde. Cependant, il est probable que le test de recherche d’une HAT sera bientôt disponible dans plus de centres spécialisés.

Ces dernières années, des technologies très sensibles (basées sur la PCR) ont été développées pour la détection du mutant KIT D816V dans les leucocytes du sang périphérique. Ces tests sont déjà utilisés en routine pour examiner les leucocytes sanguins chez les patients suspectés de SM dans des centres spécialisés. Lorsqu'une telle recherche de mutation est positive chez un patient adulte, un examen de la moelle osseuse est recommandé. En outre, une étude de la moelle osseuse est recommandée pour les patients (adultes) avec une SM suspectée et présentant des anomalies de la formule sanguine inexpliquées et persistantes et/ou lorsque le taux basal de tryptase sérique est clairement (et de façon persistante) élevé (plus de 30 ng/mL) et que cette élévation n'est expliquée par aucune autre pathologie ou variation génétique (y compris la HAT) ou par une activation des mastocytes.

Une biopsie cutanée est recommandée chez tous les adultes suspects de mastocytose et présentant des infiltrats cutanés typiques : macules ou lésions maculopapuleuses qui deviennent rouges et parfois enflées lors d'une irritation mécanique (signe dit de Darier). Chez les enfants présentant des lésions cutanées très typiques, le médecin peut ne pas effectuer de biopsie cutanée. Cependant, chez l'adulte, une biopsie cutanée doit toujours être réalisée. De plus, une biopsie de la moelle osseuse et un examen approfondi des cellules médullaires sont toujours recommandés chez les adultes présentant des lésions cutanées typiques. En revanche, chez les enfants, une biopsie de la moelle osseuse n'est généralement pas nécessaire, car la plupart des patients ont un taux sérique de tryptase normal et la probabilité de SM est très faible.

L'étude histologique de la peau et/ou de la moelle osseuse peut montrer des infiltrats typiques de mastocytes (critères diagnostiques) conduisant au diagnostic de mastocytose (cutanée ou systémique). De plus, l'histologie peut révéler des informations diagnostiques sur le sous-type de la maladie. Des informations complémentaires peuvent être obtenues concernant la morphologie des mastocytes (néoplasiques), leur immunophénotype et la présence de la mutation KIT D816V grâce à la ponction de moelle osseuse. De plus, une étude de la moelle osseuse peut révéler ou exclure la présence d'une hémopathie maligne (non-mastocytaire) associée (AHN).

Un certain nombre de critères doivent être remplis pour pouvoir poser un diagnostic de SM. La classification de l'OMS établit une distinction entre les critères majeurs et mineurs pour diagnostiquer la SM avec certitude (critères de SM). Ces critères incluent l'histologie de la moelle osseuse ou d'un autre organe extra-cutané (critère majeur de SM), la morphologie mastocytaire anormale (mastocytes fusiformes et hypogranulés) (critère mineur de SM), l'expression de CD2 et/ou CD25 par les mastocytes médullaires (critère mineur de SM), présence d'une mutation activatrice de  KIT au codon 816 dans la moelle osseuse ou dans un autre organe extracutané (critère mineur de SM), et un taux de tryptase sérique> 20 ng/mL (critère mineur de SM : ce critère n'est pas valable si le patient souffre d'une autre hémopathie myéloïde). Si au moins le critère majeur de SM et un critère mineur de SM ou au moins trois critères mineurs de SM sont présents, alors le diagnostic de SM peut être établi. Ces critères représentent le standard international depuis 2001. En outre, il existe des critères liés à la maladie qui définissent l'état dit « smoldering » (« B-Findings ») et les lésions organiques induites par la SM chez les patients avec une SM avancée (« C-Findings »).

Définition des B-Findings chez les patients atteints de SM :

La présence de B-Findings indique l’existence d’une masse importante de mastocytes néoplasiques et une atteinte par le processus néoplasique de plusieurs lignées hématologiques, en plus des mastocytes. Les B-Findings incluent i) un degré élevé d'infiltration des mastocytes dans la biopsie de la moelle osseuse (> 30% des cellules médullaires par analyse histologique et immunohistochimiquee) et (plus) un taux élevé de tryptase sérique (> 200 ng/mL), ii) une moelle osseuse hypercellulaire avec des signes de myéloprolifération et de dysplasie cellulaire et iii) des organomégalies (lymphadénopathie ou splénomégalie). Néanmoins, les B-Findings ne sont pas associés à des défaillances organiques par définition. Les B-Findings indiquent plutôt un état d’évolution lentement progressive et une évolution clinique incertaine. Lorsque 2 ou 3 B-Findings sont présents, le diagnostic de smoldering SM (SSM) est établi. Chez certains patients, la SSM évolue vers une forme avancée ou SM, telle que l’ASM ou la MCL. Cependant, dans l'ensemble, le pronostic des patients atteints de SSM est plutôt favorable car la plupart ont une évolution stable de la maladie sur plusieurs années.

Définition des C-Findings chez les patients atteints de SM :

Les C-Findings sont toujours associés à la présence d'une forme avancée de SM et conduisent généralement à administrer des thérapies cytoréductives intensives ou ciblées pour maîtriser le processus pathologique lié à la SM. Les C-Findings témoignent de défaillance(s) organique(s) causée(s) par une infiltration locale de mastocytes néoplasiques qui remplace l'organe normal. Les dommages aux organes peuvent être irréversibles. Les C-Findings ne sont détectables que dans les formes avancées de SM (ASM, ASM-AHN, MCL) par définition. Tous les organes peuvent être impliqués. Les C-Findings incluent, entre autres, une diminution de la production et du nombre de cellules sanguines (en raison d'une perte de la fonction de la moelle osseuse), entraînant une anémie (avec fatigue et dyspnée), une leucopénie (avec infections liées à la neutropénie et fièvre) et/ou une thrombocytopénie (diminution du nombre de plaquettes sanguines avec ou sans saignements), une perte de poids inexpliquée, une diminution de la production et/ou une fuite d'albumine (hypoalbuminémie), des lésions hépatiques avec ascite et élévation des enzymes hépatiques (en particulier des phosphatase alcalines), une malabsorption (lésion cliniquement significative du tractus gastro-intestinal et de sa capacité à digérer et absorber les aliments) ou des  lésions osseuses étendues à type d’ostéolyse (causée par un infiltrat de mastocytes) avec des fractures pathologiques (fractures survenant après des chocs minimes ou tout simplement spontanément). Il est important que l'étiologie des C-Findings soit étudiée en détail et que les cliniciens et les anatomo-pathologistes soient sûrs que les symptômes cliniques sont dérivés directement (principalement) de l'infiltrat pathologique par des mastocytes et pas de toute autre raison ou de comorbidités. Par conséquent, il est important que le médecin demande un compte-rendu anatomo-pathologique avec des preuves histologiques et immuno-histochimiques d'un large infiltrat local de mastocytes avant d'étiqueter la symptomatologie comme C-Finding et d'établir le diagnostic d'une SM avancée. Chez les patients atteints de SM avancée, un ou plusieurs C-Findings peuvent être notés. Il est important de savoir qu'un seul C-Finding suffit à établir le diagnostic d'une SM avancé. A noter :

B-Findings = Borderline Benign

C-Finding/s = envisager l’emploi d’une cytoréduction ou d’une chimiothérapie (ou de thérapies ciblées ou d’une HSCT)

Les symptômes causés par les médiateurs mastocytaires ne doivent être considérés ni comme des B-Findings ni comme des C-Findings.

La leucémie à mastocytes (MCL) est généralement accompagnée de B-Findings et C-Findings et a un mauvais pronostic. Les critères diagnostiques de la MCL comprennent les critères de SM et la présence de ≥ 20% de mastocytes sur le frottis médullaire (indépendamment du degré d'infiltration par des mastocytes dans la biopsie médullaire). Des mastocytes peuvent être ou non détectés en circulation. Chez les patients chez lesquels les mastocytes représentent ≥ 10% des leucocytes du sang périphérique, le diagnostic de MCL classique est approprié. En revanche, chez les patients avec <10% de mastocytes circulants, on parle de variant aleucémique. Chez la plupart des patients atteints de MCL, les C-Findings sont détectables et on parle de MCL aiguë. Si ce n'est pas le cas, le diagnostic est celui d’une MCL chronique. Ainsi, la MCL peut être divisée en:

- MCL classique chronique

- MCL classique aiguë

- MCL aleucémique chronique

- MCL aleucémique aiguë

Enfin, la MCL peut se développer à partir d'une autre forme de mastocytose, comme l'ASM, la SM-AHN ou le sarcome à mastocytes (progression secondaire). Chez ces patients, on parle alors de MCL secondaire. Pour les autres cas, une forme primaire de MCL est diagnostiquée.

Les symptômes de mastocytose peuvent être occasionnés par les médiateurs biologiquement actifs libérés des mastocytes (= symptômes liés au médiateur = SY) ou témoigner d'une infiltration locale maligne et d'une expansion de mastocytes néoplasiques dans divers systèmes organiques (conduisant généralement à des C-Findings = dommages aux organes). Les mastocytes produisent et libèrent un grand nombre de médiateurs biologiquement actifs, y compris des médiateurs vasoactifs, des substances coaguloactives et des molécules immunorégulatrices, telles que l'histamine, l'héparine, les tryptases, les prostaglandines, les cytokines ou les chimiokines. Ces médiateurs peuvent provoquer un certain nombre de symptômes plus ou moins spécifiques, notamment des maux de tête, de la fatigue, des douleurs osseuses, des nausées, des démangeaisons, de l'urticaire, des bouffées de chaleur, de la diarrhée, une gêne et des crampes abdominales, une maladie ulcéreuse de l'estomac, une hypotension et même des réactions anaphylactoïdes sévères avec choc. Ces symptômes peuvent survenir dans n'importe quelle variant de la mastocytose et à tout moment au cours de l'évolution de la maladie. Habituellement, l'activation des mastocytes et les symptômes associés sont déclenchés par certains inducteurs de l'activation des mastocytes. Un certain nombre de molécules différentes sont connus pour pouvoir provoquer l'activation des mastocytes chez les patients atteints de CM et de SM. Un type important d'affections sous-jacentes sont les réactions allergiques et d'hypersensibilité associées aux IgE (ou indépendantes des IgE), d'autres processus pathologiques réactionnelles et des affections (génétiques) prédisposantes, telles qu'une hyper alpha-tryptasémie héréditaire (HAT). Ainsi, les présentations cliniques et la symptomatologie sont très variables chez les patients atteints de CM et de SM. Chez certains patients, les symptômes sont minimes, tandis que chez d'autres les symptômes sont sévères et nécessitent un traitement continu avec des médicaments de type anti-médiateur (ces patients sont alors étiquetés CMSY ou SMSY) et ils nécessitent parfois même un traitement d’urgence, notamment en cas d'anaphylaxie sévère. Les patients avec CM ou SM ont un risque particulièrement élevé de développer des réactions anaphylactiques sévères lorsqu'ils souffrent d'allergies IgE-dépendantes multiples (concomitantes), et le risque peut encore augmenter lorsque ces patients sont également porteurs d’HAT. Chez ces patients, les réactions anaphylactiques peuvent mettre la vie en danger et, dans de nombreux cas, un syndrome d’activation mastocytaire (« Mast Cell Activation Syndrome » : MCAS) est diagnostiqué (voir ci-dessous).

Un choc anaphylactique résulte d'une libération soudaine et massive de médiateurs vasoactifs et inflammatoires des mastocytes. Chez les jeunes enfants, l'absence de réponse et la flaccidité peuvent être les seuls signes d'un épisode anaphylactique. Les enfants plus âgés et les adultes peuvent ressentir des étourdissements ou perdre connaissance en raison d'une baisse de la pression artérielle. D'autres signes sont présents de façon variable et peuvent inclure des maux de tête, des démangeaisons, des éternuements, une dyspnée (essoufflement), des nausées, une tachycardie, un gonflement de la langue et des lèvres, des rougeurs et des douleurs abdominales. Les facteurs déclenchants menant à l'anaphylaxie peuvent être connus ou immédiatement reconnus, mais peuvent également rester inconnus ou être difficiles à identifier. En cas de suspicion d'anaphylaxie sévère, une aide immédiate doit être fournie et une équipe professionnelle d'urgence doit être présente dès que possible. Il est également recommandé aux patients et/ou aux parents (notamment en cas d'allergie connue au venin d'abeille ou de guêpe) de se familiariser avec l'utilisation des injecteurs d'épinéphrine et de garder ces injecteurs accessibles à tout moment. Dès que le patient est admis dans un hôpital, des mesures d'urgence seront initiées et, parmi d'autres tests de laboratoire à effectuer, le taux sérique de tryptase devra être mesuré. Par ailleurs, le système squelettique, en particulier les os, est souvent atteint chez les patients présentant une SM et peut montrer un certain nombre d'anomalies liées à la maladie. Les pathologies les plus fréquemment enregistrées sont l'ostéosclérose, l'ostéopénie et l'ostéoporose. Bien que l'étiologie ne soit pas entièrement claire, on estime que plusieurs médiateurs différents libérés par les mastocytes peuvent contribuer à la perte osseuse observée chez les patients atteints de SM. Chez les patients atteints de SM avancée, des lésions focales peuvent être détectées. Dans de rares cas, de larges ostéolyses avec ou sans fractures pathologiques sont observées. L'ostéoporose est plus fréquemment diagnostiquée dans l'ISM et la SSM que chez les patients atteints de SM avancée. Lorsque l'ostéoporose est sévère, ces patients peuvent également développer des fractures pathologiques (fracture osseuse après un choc minime ou même spontanée), en particulier lorsqu'aucun traitement adéquat n'est administré ou est instauré tardivement. Il existe des facteurs de risque supplémentaires pour le développement d'une ostéoporose sévère comme l'inactivité physique, une carence en vitamine D et un traitement à long terme avec des glucocorticostéroïdes. Bien que les patientes puissent avoir un risque légèrement plus élevé, une ostéoporose progressive sévère peut se développer à la fois chez les femmes et les hommes atteints de SM. De ce fait, des mesures répétées de la densité minérale osseuse (ostéodensitométrie, score T) sont recommandées chez tous les patients atteints de SM ainsi que chez ceux présentant une CM de longue durée chez l'adulte.

Le MCAS est une réaction récurrente sévère de l’organisme vis-à-vis de certains agents activateurs du mastocyte qui induisent une libération massive de médiateurs par ces cellules. En règle générale, les patients atteints de MCAS présentent des symptômes d'anaphylaxie impliquant au moins deux systèmes organiques. Dans presque tous les cas, une hypotension sévère et un choc anaphylactique sont constatés. Contrairement au diagnostic d’«anaphylaxie», le diagnostic de MCAS doit être basé sur une confirmation solide que ce sont essentiellement les mastocytes qui sont impliqués dans la réaction d'hypersensibilité. Par conséquent, des mesures de tryptase sérique sont généralement effectuées chez ces patients. En effet, l'indication la plus spécifique d'un événement lié à l’activation des mastocytes est la démonstration d'une augmentation substantielle du taux sérique de tryptase par rapport à la ligne de base de l'individu. Le seuil diagnostique qui a été proposé par le groupe consensus (et qui a été validé depuis) est une augmentation à plus de 20% du taux de base + 2 ng/mL de tryptase par rapport à l'intervalle sans symptôme (taux de base de la tryptase sérique). Cette valeur basale est soit connue ou soit doit être obtenue au moins un jour après la résolution de tous les symptômes. Enfin, le diagnostic de MCAS repose sur le constat que le patient s’améliore après utilisation de thérapies spécifiques (médicaments dirigés contre les médiateurs mastocytaires ou agents stabilisateurs du mastocyte). Le diagnostic de MCAS peut être établi lorsque les trois critères suivants sont remplis: i) signes cliniques d'une réaction systémique sévère dépendante des mastocytes, généralement sous forme d'anaphylaxie, ii) augmentation de la tryptase sérique selon l'équation 20% + 2 et iii) réponse à des thérapies spécifiques. Le MCAS peut être divisé en 3 catégories (variantes) en fonction de l'étiologie sous-jacente. Une forme primaire de MCAS est presque exclusivement diagnostiquée chez les patients atteints de CM ou de SM. Les mastocytes de ces patients sont toujours des cellules monoclonales et généralement mutées pour KIT (on parle alors de MCAS monoclonaux ou clonaux = MMAS). Chez de rares patients atteints de MCAS, des mastocytes clonaux KIT D816V+ sont trouvés mais les critères de CM et SM ne sont pas remplis. Pour autant, ces patients sont également classés comme souffrant de MCAS primaire/clonal, et certains de ces patients développent une CM ou une SM au cours du suivi. Chez d'autres patients atteints de MCAS, une allergie sous-jacente dépendante des IgE ou indépendante des IgE ou un autre processus pathologique réactionnel (qui conduit à l'activation des mastocytes) peuvent être détectés. Cette forme de MCAS est appelé MCAS secondaire (ou réactionnel). Les patients atteints de CM ou de SM peuvent également développer une forme mixte de MCAS (MCAS primaire plus MCAS secondaire). Ces patients souffrent souvent d'épisodes d'anaphylaxie sévères, voire potentiellement mortels, surtout lorsqu'ils sont également porteurs d'une hyper alpha-tryptasémie héréditaire (HAT). Lorsque que chez un patient atteint de MCAS, on ne trouve ni mastocytes clonaux (pas de CM ou SM), ni allergie IgE-dépendante et ni aucune autre situation sous-jacente réactionnelle, alors le diagnostic final est celui d'un MCAS idiopathique.

 Il existe un certain nombre de stratégies différentes pour traiter la mastocytose. Le type de traitement et les médicaments recommandés dépendent du type de mastocytose, de la présence de maladies co-existantes (comorbidités) et de la réponse au traitement chez chaque patient. Une stratégie thérapeutique très importante (peut-être la plus importante) est la prophylaxie qui doit être appliquée chez tous les patients. En principe, deux stratégies prophylactiques sont suivies:

1. Évitement prophylactique de tous les agents activateurs connus ou suspectés comme pouvant induire des symptômes graves liés au médiateurs mastocytaires et des réactions anaphylactiques. Les patients sont généralement capables d'apprendre quels facteurs et conditions (substances, médicaments, allergènes, aliments, stress, certaines températures, vibrations, alcool, toxines, venin, autres) pourraient ou peuvent provoquer de telles réactions, et ils devront alors faire tout ce qui est possible pour éviter l'exposition à ces facteurs. En outre, il existe certains déclencheurs classiques de l'anaphylaxie chez les patients avec mastocytose qui doivent être évités en permanence (exemples : venin d'abeille ou de guêpe ou aspirine). Enfin, il est souvent conseillé aux patients atteints de mastocytose d'éviter les aliments et les boissons riches en histamine.

2. Traitement prophylactique avec des médicaments ciblant les récepteurs de l'histamine (HR). En particulier, il est toujours conseillé aux patients atteints de mastocytose de prendre à la fois des inhibiteurs des récepteurs HR1 et des inhibiteurs des récepteurs HR2 de manière continue. Bien que cette prophylaxie de base n’arrive pas toujours à empêcher que le patient développe des symptômes sévères liés aux médiateurs mastocytaires, l’inhibition des deux types de récepteurs HR1 et HR2 peut atténuer dans une certaine mesure l'intensité des réactions et ainsi aider le patient à survivre à des événements anaphylactiques critiques. En outre, un traitement à vie avec un antihistaminique peut empêcher l'apparition de certaines maladies dépendantes de l'histamine, telle que l'ulcération gastrique. Une autre thérapie prophylactique importante est la supplémentation en vitamine D afin d'éviter les pathologies liées à une carence en vitamine D, telles que l'ostéoporose. Un traitement prophylactique à la vitamine D est recommandé en particulier chez les patients présentant un risque élevé d'ostéoporose (par exemple, en cas d'ostéopénie, de corticothérapie ou d’immobilisation).

L'anesthésie et les allergies non connues sont deux autres problèmes importants. En cas d'allergie connue (identifiée), l'allergène et tout ce qui peut en contenir doit être strictement évité. Avant une intervention chirurgicale, les médecins concernés (chirurgiens, anesthésistes) doivent être informés de l’existence d'une mastocytose et de la présence d'allergies concomitantes. Sur la base de ces informations, la prise en charge périopératoire peut être adaptée à la situation individuelle dans chaque cas. Certains centres recommandent des tests intra-cutanés préopératoires (tests de provocation) chez les patients atteints de mastocytose afin de savoir si et comment le patient réagirait aux différents anesthésiques. Chez chaque patient atteint de mastocytose, la prise en charge préopératoire doit inclure l'administration de médicaments bloquant les récepteurs HR1 et HR2 et parfois également de corticostéroïdes (chez les patients à haut risque, par exemple chez les patients présentant des allergies IgE-dépendantes connues, un MCAS dans leur historique, des événements antérieurs pendant la chirurgie). De plus amples informations concernant l'anesthésie chez les patients atteints de mastocytose sont disponibles dans le lien de référence («documentation») de cette page d'accueil et dans PubMed (= base de données médicale  scientifique majeure): http://www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/query.fcgi.

Chez les patients symptomatiques atteints de CM ou de SM, le médecin recommandera également un traitement continu par des inhibiteurs des récepteurs HR1 et HR2 pour contrôler la maladie. Les antagonistes de HR1 sont des médicaments utilisés pour traiter l'instabilité vasculaire (hypotension), les démangeaisons, l'urticaire et les rougeurs. Les médicaments ciblant HR1 peuvent également apporter un certain soulagement des symptômes gastro-intestinaux. Les antihistaminiques ciblant les récepteurs HR2 sont des médicaments qui peuvent contrer les symptômes gastro-intestinaux associés à la mastocytose, comme le reflux avec indigestion, les crampes abdominales, la diarrhée et la maladie ulcéreuse. En plus des médicaments ciblant les récepteurs à l’histamine, un certain nombre d'autres médicaments sont également utilisés chez les patients atteints de mastocytose pour diminuer les symptômes liés aux médiateurs mastocytaires. Ces médicaments comprennent des agents stabilisants du mastocyte (comme le Cromoglycate de sodium), les glucocorticostéroïdes qui agissent également comme stabilisateurs des mastocytes et le kétotifène, qui agit également comme inhibiteur de HR1. Ces médicaments sont souvent utilisés lorsque les inhibiteurs des récepteurs à l’histamine ne parviennent pas à contrôler les symptômes de la maladie. L'épinéphrine est un autre médicament de type anti-médiateur qui est utile pendant les réactions anaphylactiques les plus sévères avec hypotension et choc. Ce médicament doit être utilisé dès que possible dans les cas d'anaphylaxie sévère avec hypotension et choc. Tous les patients atteints de mastocytose doivent avoir avec eux des médicaments d'urgence, dont au moins deux stylos auto-injecteurs d’épinéphrine (Epipen); et les patients et leurs proches doivent être formés à l'utilisation du stylo en cas d'urgence. Dans chaque cas, le traitement des symptômes liés aux médiateurs mastocytaires doit être individualisé par un médecin qui le fera en fonction des symptômes rapportés par le patient et de la réponse au traitement initial. En général, le traitement vise à contrôler les symptômes avec les antihistaminiques HR1 et HR2 seuls sans autres médicaments. Cependant, si nécessaire, le médecin prescrira des médicaments supplémentaires tels qu'un corticostéroïde, un inhibiteur de la pompe à protons ou d'autres médicaments pour contrôler la maladie. Le traitement de base de la SM comprend également un traitement prophylactique et spécifique de l'ostéopénie et de l'ostéoporose, tous deux observés chez les patients de sexe féminin et masculin. Les mesures prophylactiques comprennent une supplémentation en vitamine D, de l'exercice (pour éviter l'immobilisation) et la recherche de thérapies épargnant les corticostéroïdes si possible. Lorsque le score T (paramètre lié à la densité osseuse) est inférieur à -2 et donc indicatif d'une ostéoporose imminente, un traitement interventionnel par bisphosphonates doit être instauré pour éviter l’installation d’une ostéoporose. Il en va de même pour les patients souffrant d'ostéoporose déjà installée. En cas d'échec du traitement par les bisphosphonates, des inhibiteurs de RANKL peuvent être prescrits pour tenter d'arrêter le processus d'ostéoporose.

Thérapies cytoréductives et thérapies ciblés: Un certain nombre de médicaments cytoréducteurs et de thérapies ciblées différents peuvent être utilisés pour contrer l'expansion des cellules néoplasiques chez les patients atteints de SM avancée, comme la SM agressive (ASM) et la leucémie à mastocytes (MCL). Ces médicaments comprennent, entre autres, l'interféron alpha (IFN-A), la cladribine (2CdA), la cytosine arabinoside (ARA-C), l'hydroxyurée et les médicaments dirigés contre l’activité du récepteur KIT muté en D816V, principal responsable de l'évolution de la maladie dans la SM. Ces médicaments ciblant le récepteur KIT peuvent exercer une activité antinéoplasique remarquable et parfois même durable chez les patients atteints d'ASM ou de MCL. La midostaurine (PKC412) a été le premier inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) ciblant le récepteur KIT D816V à avoir reçu l'approbation (par la FDA et l'EMA) pour le traitement des patients atteints de SM avancée, y compris l'ASM et la MCL (en 2017). La midostaurine est capable d’inhiber la croissance des mastocytes néoplasiques KIT D816V+ et est également capable de neutraliser l'activation (et la libération d'histamine médiée par les IgE) des mastocytes normaux et néoplasiques. De ce fait, de nombreux patients répondent assez bien à ce médicament. Cependant, seuls quelques patients entrent en rémission complète et le nombre de patients atteints de SM avancée qui rechutent sous traitement par midostaurine est relativement élevé. Au cours des dernières années, un certain nombre d’autres molécules ciblant KIT ont été développées. Plusieurs de ces médicaments ont montré un effet particulièrement puissant sur KIT D816V. L'un de ces médicaments est l'avapritinib, un inhibiteur de KIT qui est actuellement testé dans des essais cliniques - et sera bientôt approuvé pour le traitement de la SM avancée aux États-Unis et dans l'Union Européenne.

Chez les patients atteints de SM avancé rapidement progressive, y compris les patients avec MCL ou les patients avec une leucémie myéloïde agressive associée, une polychimiothérapie avec ou sans greffe de cellules souches hématopoïétiques (HSCT) peut être nécessaire. Tous ces traitements, y compris les thérapies avec des médicaments ciblant KIT (ITK) et la chimiothérapie (+/- HSCT), ne doivent être appliqués que par des spécialistes en hématologie/oncologie et qui sont experts dans le domaine des mastocytoses ou sont en contact étroit avec un Centre d'Excellence expérimenté (de l'ECNM ou de l'American Initiative on Mast Cell Disorders = AIM) qui peut soutenir et guider le médecin dans l'établissement de plans de traitement. Un point important est que malgré l'augmentation des connaissances sur la maladie et la disponibilité de nouvelles options de traitement, la SM avancée reste toujours une hémopathie incurable dans la plupart des cas. De ce fait, les avantages potentiels des thérapies intensives doivent être mis en balance avec le risque d'effets secondaires et la qualité de vie de chaque patient. Un autre point important est que certaines des thérapies intensives peuvent induire des événements mutagènes et peuvent donc contribuer à la progression future de la maladie. Par conséquent, ces traitements ne doivent pas être proposés aux patients atteints de SM indolente (ISM) ou de SSM.

Chez certains patients atteints de SM avancé, les corticostéroïdes sont recommandés, par exemple chez les patients âgés atteints d'ASM qui souffrent de lésions hépatiques avec ascite mais pas d'autres C-Findings évidents. Habituellement, cependant, les corticostéroïdes sont administrés en combinaison avec l'interféron alpha (IFN-A) ou avec d'autres médicaments antinéoplasiques. Les corticostéroïdes et l'IFN-A sont tous deux considérés comme des substances endogènes (fabriquées par notre corps) et sont donc théoriquement moins toxiques et non mutagènes que les agents cytoréducteurs conventionnels. Cependant, il est à noter que les corticostéroïdes agissent comme des médicaments immunosuppresseurs.

Autres possibilités de traitement chez les patients atteints de mastocytose: il s'agit notamment de l'excision chirurgicale des mastocytomes, de la chirurgie de la rate = splénectomie (c’est-à-dire l’ablation de la rate) dans le cas d'un organe massivement élargi avec cytopénie sévère consécutive (manque de cellules sanguines) ou de la PUVA-thérapie (Psoralène plus lumière ultraviolette A) pour atténuer/contrôler une infiltration importante de la peau et les symptômes cutanés associés. Habituellement, des cycles répétitifs de PUVA-thérapie sont nécessaires pour maîtriser les problèmes de peau et les réponses au traitement sont transitoires chez la plupart des patients. Chez les enfants, la PUVA-thérapie n'est pas recommandée en raison de risques potentiels (risque de néoplasies secondaires).

Alors que le risque global d’être infecté par le virus SRAS-CoV-2 n'est apparemment pas augmenté chez les patients atteints de mastocytose, certaines conditions peuvent augmenter le risque de développer une pneumonie sévère chez les patients infectés. Ces facteurs comprennent certaines comorbidités affectant le système cardiovasculaire ou bronchopulmonaire, la chimiothérapie et les médicaments immunosuppresseurs. Par conséquent, l’utilisation de ces thérapies doit être soigneusement évaluée au «cas par cas» lors d'une infection à la COVID-19. En revanche, d'autres traitements, tels que les médicaments de type anti-médiateur, l'immunothérapie au venin ou la vitamine D, doivent être poursuivis. Dans l'ensemble, les patients atteints de mastocytose doivent suivre les directives générales et locales de la pandémie COVID-19. Cela vaut également pour la vaccination contre le SRAS-CoV-2. En général, tous les patients atteints de mastocytose doivent être vaccinés avec prise en compte du risque individuel, en particulier lorsque les patients souffrent de symptômes sévères liés aux médiateurs mastocytaires et/ou qu'une maladie allergique concomitante est connue. Jusqu'à présent, les vaccins approuvés par les autorités sanitaires semblent plutôt sûrs. Cependant, des réactions anaphylactiques sévères ont été rapportées chez certains patients. Par conséquent, les patients avec mastocytose et à haut risque d'anaphylaxie ne doivent être vaccinés que dans des conditions contrôlées et avec une prémédication, conformément aux directives locales.